Araignée du mois (8) : Pholcus phalangioides

Nom latin: Pholcus phalangioidies (Fuesslin 1775)
Famille : Pholcidae

Taille : femelle, 8 à 10 mm ; mâle, 7 à 10 mm
Habitat : habitations, caves, greniers
Saison : Toute l’année, les mâles au printemps et été

Vu la météo assez déprimante de ces dernières semaines, plongeons nous sur une araignée dite synanthrope observable par tous les temps puisqu’elle habite l’intérieur de nos maisons.

Qui n’est pas un jour tombé sur cette toute fine araignée, semblant suspendue dans l’air, à l’arrière des toilettes, du frigo ou dans un coin de la chambre à coucher ? Certains l’appellent à tord « Faucheux » (Opilion), même si la ressemblance est vaguement là, il s’agit pourtant bien d’une araignée, au corps allongé cylindrique (un petit boudin) avec 8 petits yeux groupés par deux et très simples, et aux huit pattes aussi longues que fines qu’on croirait qu’elles vont se briser au moindre contacte. En s’approchant d’un peu plus près, on observe facilement les articulations très apparentes aux points de pliure des pattes, qui lui ont d’ailleurs valu son nom latin : Pholcus phalangioides

Pholcos signifie cagneux, qui a les genoux tournés en dedans ; le nom allemand « Zitterspinnen » évoque des membres tremblotants [extrait de Quelques étymologies de noms d’araignées (familles et genres) et de termes d’Arachnologie à l’aide des éléments lexicaux grecs et latins dont ils sont formés par Horst Schröder – Les Araignées (2001) ; édité par le C.E.B.E. asbl-MOB vzw]

Les anglais l’appellent daddy-longlegs spider (papa longues-jambes), parfois aussi « cellar spider » (araignée des caves).

L’araignée Pholcus est tout à fait inoffensive pour l’être humain. Dans la littérature, on lit souvent que cette araignée est dotée d’un venin très puissant mais qu’elle n’est pourtant pas capable de percer la peau. J’ai lu beaucoup de contradictions à ce sujet et il semblerait que la puissance de son venin ne soit pas si élevée que cela et que cette légende viendrait plutôt de la taille de certaine de ses proies, car si Pholcus phalangioides semble frêle et fragile, elle n’en est pas pour le moins une dévoreuse de proies de toutes tailles, dont certaines grosses araignées des maisons (Tégénaria). N’ayant pas à disposition un laboratoire me permettant d’étudier le taux de toxicité et de concentration de son venin, je ne pourrai pas donner de réponse exacte à ce sujet. Quant à la possibilité de percer la peau, j’attends qu’une bonne âme fasse le test et m’envoie la réponse – en sachant que l’épaisseur de la peau humaine peut faire entre 1 et 3 mm, et vu la taille des chélicères de cette araignée, je pense déjà connaître la réponse…

Pholcus phalangioides est une araignée à toile mais non orbitèle, ce qui veut dire que cette araignée construit des toiles sans symétrie quelconque et en tous les cas, pas de toiles orbiculaires de forme circulaire observées dans les jardins. Non, Pholcus phalangioides construit une toile qui ne ressemble pas à grand chose, tel un enchevêtrement très brouillon de fils que l’araignée se plaira à étendre de plus en plus au fur et à mesure de son existence. Ici l’efficacité du piège est inversement proportionnelle à son esthétique. Sa toile, fabriquée à l’aide de fils de soie très fins, quasi invisibles (sauf lorsque la poussière s’y accroche) ressemblant à un entrecroisement de fils peu structurés devient un coupe gorge pour toute proie qui s’y aventure. Il faut dire que Pholcus est un véritable avaleur d’insectes et remplace à merveille tout appareil insecticide nocif pour la santé… Lorsqu’une proie se trouve piégée dans la toile d’une Pholcus phalangioides, celle-ci va tout d’abord l’emballer pendant près de 2 minutes avec de la soie. La taille de ses pattes est un avantage puisque le corps de l’araignée reste éloigné de sa proie. Une fois la proie immobilisée, Pholcus n’a plus qu’à injecter son venin dans son déjeuner.

L’une des particularités de cette araignée à toile est que c’est également une araignée qui n’hésite pas à quitter son domicile pour chasser d’autres espèces d’araignées dans leur propre toile (!). La forme des pattes longues et fines des Pholcus lui permettrait de reproduire des vibrations à laquelle l’araignée-proie répondrait comme elle le ferait normalement à l’une de ses propres proies. C’est de cette façon que les Pholcus de nos maisons chassent d’autres araignées lorsque les proies viennent à manquer. « Si la nourriture ne vient pas à toi, va vers la nourriture ! » pourrait-on dire. Et c’est donc de cette façon que Pholcus en vient à attaquer les Tégénaires des maisons (Tegenaria sp – Agelenidae).

Par contre, cet animal qui semble frêle et fragile a inventé une méthode très inattendue et intéressante pour passer inaperçu lorsqu’il se trouve face à un danger. Si vous vous approcher trop près d’un Pholcus phalangioides (en touchant la toile, en soufflant sur la toile ou en touchant directement l’araignée) celui-ci va se mettre à « tournoyer » tellement vite sur place, qu’il vous sera presque impossible de le localiser. Autant dire qu’un véritable prédateur aura plus difficile à attraper sa proie devenue « floue ». Pour ce faire, l’araignée fait tourner son corps en cercle, en laissant ses pattes sur les fils de soie, un peu à la façon des trapézistes de cirque.

Si vous possédez des Pholcus phalangioides chez vous (ce dont je ne doute pas) et que vous faites attention à ne pas les aspirer lors des séances de nettoyage, vous aurez peut-être l’occasion d’observer un accouplement, voire, une naissance à votre domicile. C’est là une autre caractéristique étonnante de cette espèce puisque les femelles de Pholcus phalangioides sont de très bonnes mamans qui vont prendre soins des jeunes araignées.

Une fois mature, le mâle Pholcus phalangioides part à la recherche d’une femelle et va s’accoupler avec elle ; la parade n’est pas du tout complexe et le mâle doit juste éviter de se faire passer pour une proie en s’approchant de la femelle. Il va donc pincer les fils de soie pour se signaler à la femelle. Après un accouplement qui peut durer plusieurs heures, mâle et femelle se séparent (si le mâle arrive à s’éclipser le plus vite possible).

Après ovulation et fertilisation des œufs, la femelle pond une cinquantaine d’œufs qui apparaissent sous forme d’un amas circulaire, les œufs étant agglomérés entre eux grâce à quelques fins fils de soie. La femelle porte ensuite ces œufs directement dans ses chélicères et ne va en principe plus les lâcher.

Rem : Un membre du GT araignées a observé cependant une femelle Pholcus déposer son amas d’œufs pour s’accoupler avec un mâle et reprendre ensuite son petit paquet une fois l’accouplement terminé. Il semble que ce comportement soit relativement rare.

Quand vient le moment de l’éclosion, la femelle reste à côté de l’amas d’œufs, et aide les jeunes à sortir. Elle reste également à proximité pour les protéger d’un éventuel prédateur, dans les limites du possible… Etant donné que la femelle ne s’est plus nourrie durant la période d’incubation des œufs (près d’un mois), on remarque que son abdomen est devenue très mince et dégonflé. Après quelques jours, et une première mue, les jeunes araignées vont se disperser et la femelle pourra reconstruire une toile piège, rechasser des proies et donner naissance à de nouveaux jeunes.

La durée de vie de Pholcus phalangioides peut dépasser une année, voire deux, étant donné que cette espèce vit protégée des conditions climatiques changeantes des saisons. Cette espèce, originaire des endroits humides retrouve dans certaines pièces de nos maisons l’humidité suffisante pour s’épanouir. Elle ne survit par contre pas à une année complète à l’extérieur et est sensible aux températures trop basses.

Pour les spécialistes, sachez que la famille des Pholcidae est l’une des familles les plus riches en nombre d’espèces (environ 1100 espèces décrites dans 84 genres). En Belgique, on compte pas moins de 8 espèces dans cette familles, dont deux Pholcus sp. :

Artema atalanta (Walckenaer, 1837 ) ; Micropholcus fauroti (Simon, 1887 ) ; Spermophora senoculata (Dugs, 1836 ) ; Crossopriza lyoni (Blackwall, 1867 ) ; Holocemus pluchei (Scopoli, 1763 ) ; Pholcus opilionoides (Schrank, 1781 ) ; Pholcus phalangioides (Fuesslin, 1775 ) ; Psilochorus simoni (Berland, 1911 )

Pour les curieux, un document réalisé par la Hulotte sur l’élevage de Pholcus phalangioides : 25 questions-réponses pour réussir l’élevage de Pholcus phalangioides, l’ermite des débarras (La Hulotte)

Brigitte Segers