FAQ : comment les araignées passent-elles l’hiver ?


L’hiver semble toucher à sa fin, les températures remontent et s’adoucissent et les premières araignées font déjà leur apparition. Michel et Isabelle, membre du GT viennent d’observer ce 25 février 2012 une Pisaura mirabilis devant chez eux (Bruxelles, Watermael-Boisfort). Vu sa taille, il est évident que cet individu n’a pas passé l’hiver à l’état d’oeuf. Mais alors, comment ?

On observe les pouponnières de Pisaura mirabilis en été. Les oeufs éclosent à cette période et les jeunes atteindront le stade adulte après un certain nombre de mues. Les Pisaures entrent en diapause hivernale vers le mois d’octobre-novembre et passent donc l’hiver au stade immature. Ce n’est qu’à la fin de l’hiver que les individus de cette espèce sortiront de leur léthargie pour terminer leur cycle de développement et devenir mature pour la reproduction.

Photos prises par Isabelle Pierdomenico

Les araignées sont des animaux dits poïkilothermes ou hétérothermes, çad dont la température varie en fonction de l’environnement externe et qui sont donc incapables de réguler leur température interne (les mammifères, que nous sommes, sont à l’inverse homéothermes, capables de produire de l’énergie sous forme de chaleur). L’activité d’une araignée dépend donc de la température du milieu, ce qui explique sans doute la docilité avec laquelle cette Pisaura mirabilis prend la pause pour la photo un 25 février à une température voisinant les 6°C.

« Pour survivre aux périodes hivernales, plusieurs stratégies sont utilisées par ces animaux à « sang froid ». Les araignées qui passent l’hiver au stade imago (adulte) vont donc coloniser des microhabitats spécifiques qui pourront augmenter leur résistance au froid. A l’instar des reptiles et autres animaux poïkilothermes, les araignées vont réduire leur métabolisme interne.

On évalue à 85% le pourcentage de la faune aranéologique qui passe l’hiver dans le sol, la plupart dans la litière. Durant cette période hivernale, la majorité de ces araignées prennent une posture rigide, pattes repliées sur le corps pour réduire au minimum la surface de corps exposée. Cette zone de litière extrêmement importante protège non seulement du froid mais aussi de la dessiccation. Même une couche importante de neige n’est pas un danger mortel pour les araignées. Au contraire, les propriétés isolantes de la neige assurent des températures moyennes proches de 0°C. Pour exemple, au Canada, par – 40°C en extérieurs, les araignées sont protégées sous la couche de neige à une température moyenne de 0°C.

Les araignées des zones tempérées peuvent être réparties en 5 groupes, en fonction de leur cycle annuel et de leur période de maturation :

  1. les espèces qui prennent longtemps à devenir matures et passent l’hiver sous divers stades de développement ;
  2. les espèces pour lesquelles la période de reproduction s’étend du printemps à l’été et qui passent l’hiver à l’état de nymphes ;
  3. les espèces pour lesquelles la période de reproduction se déroule durant l’automne et où les jeunes passent l’hiver à l’état d’œufs ;
  4. les espèces ayant deux périodes reproductives séparées (printemps et automne) et qui passent l’hiver à l’état adulte ;
  5. les espèces qui ont une période de reproduction en hiver, et qui sont actives en hiver.Certains membres de Linyphiidae (Erigona), Lycosidae, Clubionidae, Thomisidae et Tetragnathidae appartiennent à ce dernier groupe. Ils sont capables de construire des toiles à des températures inférieures à 0°C et d’attraper des proies.

Les araignées des zones tempérées actives durant les périodes hivernales sont pour la plupart membres de la famille des Linyphiidae. Elles ne sont pas particulièrement résistantes au froid mais simplement actives à basse température. En dessous de -4°C, elles deviennent aussi rigides que les autres espèces d’araignées, et en-dessous de -7°C, elles meurent.

La plupart des araignées de jardin (Araneus sp.) peuvent résister à des températures inférieures à -20°C, même dans des endroits non protégés. On n’a pas encore compris comment ces araignées parviennent à cette remarquable résistance au froid. On sait que l’hémolymphe des araignées contient du glycérol, qui agit comme agent antigel, et que le taux de glycérol est plus élevé en hiver qu’en été. Seulement, on sait aussi que seul le glycérol est incapable d’expliquer une telle résistance à des températures aussi basses. Il faut donc chercher du côté de certaines protéines présentes dans l’hémolymphe qui seraient capables de diminuer le point de congélation. Il reste quand même un mystère autour de la question du comment certaines araignées arrivent-elles à passer des hivers longs et froids.

De nombreux œufs d’araignées peuvent également résister à des températures allant jusqu’à -24°C. On pourrait donc penser que le stade sous forme d’œuf est la forme idéale pour passer l’hiver, néanmoins, seulement 7% de nos araignées utilisent cette stratégie. Peut-être est-il plus favorable pour une jeune araignée d’être auto-suffisante dès le début du printemps… »

extrait de : Biology of spiders : Rainer F.Foelix, Oxford university press (1996)

Nous serions heureux de partager vos premières observations de l’année ! N’hésitez donc pas à envoyer des photos…

Merci à Isabelle et Michel pour ce partage.

Brigitte Segers

5 réflexions au sujet de « FAQ : comment les araignées passent-elles l’hiver ? »

  1. Au fait, j’ai vu ce week-end un petit reportage à la VRT (dans l’émission ‘Dieren in nesten’) sur une espèce d’araignée présentée comme très rare en Belgique, et retrouvée récemment après des années sans signalement. Elle vit apparemment surtout dans les zones ouvertes…
    Son nom en néerlandais : ‘lentevuurspin’ (en anglais : ‘Ladybird spider’), une très belle araignée (surtout le mâle). Un rapide recherche sur internet lui donne le nom Eresus Sandaliatus.
    Elle est présente ailleurs qu’en Campine?

  2. Bonjour j’aurai une question quel est la temperature idéal pour l’araignée suivante (la ségestrie florentine)

  3. Une araignée a élu domicile dans ma cuisine, sur la fenêtre, côté intérieur. Elle a tissé une fine toile sur la vitre, en parallèle et se balade entre. Elle a fait une réserve pour sa nourriture. Elle semble très bien mais je souhaiterais l’enlever parce que je ne peux plus ouvrir ma fenêtre. Dehors non, il fait trop froid, dans une cave sombre ? J’ai pensé à un grand contenant en verre dans lequel je la mettrai avec sa réserve de nourriture, le haut du récipient fermé par un fin grillage ? Je pourrai le poser derrière la vitre jusqu’au printemps où je la libérerai dans un jardin. Qu’en pensez-vous ?

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